Michel Roget

"Les Rives du Gange à Kashi, Bénarès ou Vârânasi"

Trois noms pour une même ville, plus connue en Europe sous le nom de Bénarès.

C’est la ville, où tout Indhou-Indien rêve de s’envoler dans les circonvolutions odorantes de la fûmée, parfumée au bois de santal, pour un Nirvâna promis-possible. La fin de la fin des réincarnations, autrement dit le Samsara, cycle sans cesse renouvelé de la vie et de la mort et autres Karma-loteries.

Les cendres versées dans une urne funéraire -où les restes ossuaires enfermés dans un sac de jute pour manque d’argent nécessaire aux trois heures de crémation- sont déposées dans le fleuve qui s’étire d’un long coude languissant aux pieds de « la ville entre deux rivières　» : la Varuna au nord et l’Asi au sud, dont la contraction donne Vârânasi.

Ce fleuve c’est le Gange, fleuve sacré qui porte la vie, la reprend aussi, le fleuve PUR, malgré une certaine noirceur boueuse de ses eaux.

IL vient du nord de l’Inde, des pieds de l’Himalaya, plus exactement de l’orteil de Vischnou et ici à Vârânasi, par la grâce d’un méandre miraculeux, serait-ce le sourcil de Krishna ? Il traverse la ville sainte du sud vers le nord, ultime regard filial à la lointaine source-mère, pour filer, majestueux, vers Calcutta, s’éparpiller en mille rivières fils d’anges, bénies des paysans du delta.

La ville est consacrée à Shiva dont le nom signifie «　le bénéfique　», mais qui a la particularité d’être également une sorte de Cronos Indien à la mine sévère, doté d’un troisième-œil laser déchiffeur implacable de nos pauvres illusions humaines et dont le symbole, le Lingam (phallus érigé) est planté dans le Yoni (le vagin). Il est donc le dieu approprié pour régir la vie humaine, sans cesse interrompue, sans cesse renouvelée, enfin jusqu’à présent…